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À l’occasion de sa venue au Djoon le 13 novembre, Jerome Sydenham a répondu à nos questions. Nous avons échangé avec lui au sujet de son amitié avec Kerri Chandler, son label, Ibadan Records, sa vie à Berlin mais aussi sur le Nigeria, son pays d’origine. Rencontre avec un ponte de la House Music.

Dure Vie : Vous avez passé votre adolescence à New York, mais vous avez grandi à Ibadan au Nigeria. Ces racines nigérianes semblent importantes pour vous car vous avez choisi de nommer votre Label du nom de votre ville de naissance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’influence que cela a eu sur votre vie et votre musique ? 

Jerome Sydenham : L’environnement spirituel et social de mon enfance à Ibadan, a vraiment eu un impact fondateur sur moi au moment de l’adolescence. Par exemple, dans la continuité de la culture Yoruba, il y avait toujours de la musique aux anniversaires, mariages, enterrements et lors des fêtes. Et je vous assure que la musique quelque soit l’occasion est toujours à peu près la même que ce soit de la High-Life, de l’Afro-Beat, de l’Akpala ou du Fuji Regga. Il ne faut cependant pas négliger l’influence des musiques occidentales comme la musique afro-américaine ou la musique pop rock anglo-saxonne. Comme vous pouvez le voir, je n’ai jamais connu l’ennui en grandissant dans cet environnement varié.

Mon arrivée en Europe, plus précisément en Angleterre, chargée de ces influences positives et pleine d’une insatiable curiosité pour tout ce qui était noir et non-africain, marque la deuxième étape de ma carrière : celle du désir de devenir un DJ, en apprenant les dernières danses américaines, tout en restant fidèles à mes origines, ce qui m’a permis de me canaliser et de me concentrer.

 

DV : Vous êtes connu pour être un des pionniers du style “afro-house”. Pouvez-vous nous parler de cette musique plus précisément ? Quels sont les ingrédients d’un bon morceau ? Nous sommes toujours curieux de trouver de nouveaux titres, pouvez-vous nous donner quelques unes de vos perles afro-house ?

 JS : Premièrement je dois dire que je ne crois pas trop dans ces catégories et que je n’utilise pas le terme. Je vois ce que vous appelez de l’afro-house c’est comme de la house normale avec des penchants acoustiques différents. J’ai à ce titre toujours fait extrêmement attention à ne collaborer qu’avec des musiciens d’envergure internationale pour mes productions. Il y a des influences africaines, latino et classiques qui ponctuent aléatoirement les premières production d’Ibadan Records.

À l’époque nous jouions tous la même “afro-house” ainsi que de la Jersey house, K-house, New-York house etc. C’est comme quand j’écoute un des classiques de DJ Gregory. Je n’appelle pas cela de la “french house” j’appelle cela de la bonne house. Donc je ne suis pas réellement dans ce phénomène de dénomination et de sur-catégorisation de la house. Le seul terme que je cautionne vraiment est celui de “deep-house”.

Parmi les morceaux que je préfère dans cette pseudo catégorisation d’afro-house j’adore “Je Ka Jo” de Joe Claussell sur Ibadan Records ainsi que « Koro Koro » de No Smoke.

Dure Vie : J’ai écrit, pour Dure Vie, un article sur l’excellent LP Saturday. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur votre collaboration avec Kerri Chandler ? Où vous êtes vous rencontrés ? Comment avez-vous commencés à travailler ensemble ?

JS : J’ai rencontré Kerri Chandler dans les années 80 au Club Zanzibar dans le New Jersey. Fin 89, j’ai signé l’une des premières sorties de Kerri appelée « Superlover/Get it off » sur Atlantic Records. Nous avons continué à travailler ensemble depuis cette époque. D’ailleurs, je suis en train de remixer “Who’s afraid of the Dark” de Kerri Chandler en ce moment.
Nous avons toujours été meilleurs amis et on se considère mutuellement comme de la famille, même après toutes ces années. En ce qui concerne l’album Saturday c’était comme partir en vacances tant nous avons pris du plaisir à bosser ensemble. Je ne pourrais pas vraiment qualifier notre collaboration « de travail » d’ailleurs.

 

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DV : Étant aussi un grand fan de Joe Clausell, pouvez-vous nos parler de votre rencontre et de vos collaborations ? En quoi sa musique diffère-telle de la votre ou de celle de Kerri Chandler ?

JS : Dans les années 80 Joe était le roi du East Village. Le DJ le plus cool du coin. Il avait une influence positive sur tout le monde. On avait l’habitude de se croiser chez le disquaire et d’échanger nos points de vue sur la musique et la vie. Ce disquaire, connu sous le nom de Dance-Tracks a fini par devenir la propriété de Joe Claussell. Joe Claussell a depuis toujours été impliqué dans les décisions majeures de ma carrière d’artiste indépendant.

 

 

DV :  Cet album, Saturday,  semble avoir des influences larges. “Beat Down” ressemble à de la techno allemande, alors que “Kò Kò” est plus proche de l’afro-house, tandis que “Arò” rappel la musique ouest-africaine des années soixante-dix. Est-ce la conséquence de vos migrations en tant qu’artiste, de New York à Berlin ? En quoi votre installation à Berlin en 2007, a changé (ou pas) votre label et musique ?

JS : Saturday reflète simplement l’ouverture d’esprit qui m’a accompagné dès mon plus jeune âge. À l’époque de la production de Saturday, l’Allemagne et Berlin ne faisaient pas encore partie de ma vie. On pourrait dire que l’atmosphère de cet album est un mix d’Afrique de l’Ouest, de New York et du New Jersey. En ce qui concerne l’influence Berlinoise, elle a surtout contribué à étendre ma curiosité et à me rendre encore plus perméable.

 

DV : J’ai entendu dans une de vos interviews que, lorsque vous êtes arrivé à New York, vous avez “brulé la chandelle par les deux bouts”. Plus précisément vous avez eu la chance d’aller au Paradise Garage écouter les sets de Larry Levan. Pour beaucoup de personnes cette période représente un âge d’or surtout depuis la création, il y’a quelque temps, du “Larry Levan way” à New york (et de sa fête d’inauguration). Pouvez-vous vous nous en dire plus sur cette période ? Comment était l’ambiance ? Dans un endroit comme la Paradise Garage ?

JS : Pour commencer je dois dire que le Paradise Garage, était un réel choc culturel lorsque j’y suis allé pour la première fois au début des années quatre-vingt, car la musique était diverse, le public sauvage et libre et principalement homosexuel. Une harmonie parfaite existait, donc c’était un vrai lieu de rencontre entre personnes ouvertes d’esprit. En tant qu’hétérosexuel, dans ce nouvel environnement, je me suis vraiment concentré sur l’aspect musical et j’ai cherché à absorber les différents styles qui émanaient de Larry. Quelle influence !

DV : Ici chez, Dure Vie, nous sommes des vrais fans de vinyles. Ibadan a toujours produit des vinyles. Quel est votre point de vue sur ce regain que connaît le vinyle ?

JS : J’ai toujours acheté des vinyles. Je n’ai donc jamais pris conscience de cette renaissance. Il me semble que les ventes sont les mêmes depuis 7 ans.

 

DV : Maintenant que nous sommes en train de parler de choses plus récentes. Pouvez-vous nous en dire plus sur les artistes émergents à suivre ? Quelqu’un sur Ibadan Records ?

JS : Il y a en effet quelques artistes à suivre, comme Janne Tavi, Aybee et Fred P, sur Ibadan et Apotek Records. Nous avons aussi un EP de Non-Reversible qui va sortir sur Apotek Records. Il y a aussi des remixes et des collaborations à venir d’artistes plus reconnus. Mais comme toujours je suis ouvert à toutes options et reste flexible.

 

 

DV : D’ailleurs, il semble que votre identité est très liée à celle de votre label. Pouvez-vous nous parler un peu plus d’Ibadan Records. Comment a-t-il été créé et quel est sa philosophie ?

JS : Laisser ma propre empreinte a toujours été l’un de mes rêves. Dès que j’ai quitté le monde de la musique commercial, c’est devenu ma priorité immédiate. C’est un travail d’amour. La philosophie est simple : de la dance music de haute qualité et un esprit ouvert. Je prends cela très au sérieux et tant que je respire je ne m’arrêterai pas.

 

DV : La musique n’est pas limitée à la house ou la techno. Est–ce que vous avez un genre, artiste ou morceau que vous aimez particulièrement écouter en dehors du « monde de la dance music » ? Un titre que vous pourriez jouer dans un set par exemple ?

JS : Pour jouer un set éclectique, il faudrait que je sois à New York ou Tokyo. Au delà de ça j’écoute bien sûr du hip-hop, de la musique africaine, du reggae, de la musique classique, de la musique folklorique, et toutes les musiques de qualité qui passent dans mon champ de vision. (Branche moi!)

 

DV: Pour finir j’aimerais vous poser une question liée à notre blog Dure Vie. Notre leitmotiv est : “La vie est dure, on vous l’adoucit”. Qu’est-ce qui rend la vie plus douce pour vous ?

JS : Le sexe, la drogue et le rock’n’roll ! Non, plus vraiment en fait. Plutôt les livres, la bouffe et les films, ainsi que les voyages et les différentes cultures. Ce petit programme devrait me tenir occupé pour les vingt prochaines années.

Propos recueillis par Sanche

Pour finir on ne peut que vous proposer de nous rejoindre le vendredi 13 novembre {jour de chance vous en conviendrez} pour constater par vous même toute l’étendue du talent de monsieur Jerome Sydenham mais aussi de Tijo Aimé, de Dusty Fingers et Baastel de la Dure Vie Family pour une soirée au Djoon qui sera sans aucun doute inoubliable !

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