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Nous avons eu l’opportunité d’échanger quelques mots avec Jus-Ed, après sa venue au Djoon pour nos trois ans. On a pu aborder certains aspects intéressants de sa personnalité et de sa vie : sa vision du bonheur, l’origine de son label, sa perception de la Jersey House, et enfin son goût pour les soirées à Paris. D’ailleurs il nous a donné en exclusivité l’enregistrement de son set de 6 heures au Djoon… Enjoy !

 

Dure vie : Tu es mi américain mi cap-verdien. On t’entend souvent dire que tu as été élevé avec la musique. Quel type de musique t’entourait quand tu étais enfant ? Est-ce que tu jouais d’un instrument ?

 

Jus-Ed : Oui je jouais des percussions. En terme de musique il n’y avait pas de discrimination… On écoutait vraiment de tout. Je ne jouais pas encore de la house. Étant né dans les années soixante, ce type de musique n’existait pas encore.

 

D’ailleurs je ne “jouais” pas encore, c’était surtout ma famille qui passait des disques de jazz, funk ou du “doo-woop” de l’époque. Doo-woop était un type de musique des années cinquante.

 

 

DV : On voit souvent écrit que tu avais commencé à mixer à l’âge de dix ans. Est-ce vrai?

 

J-E : Oui j’ai fait tourner mes premiers disques à dix ans ! Je jouais des 45 tours. Mais je ne mixais pas vraiment… On avait une chaine stéréo avec une table et je passais mes vinyles à l’aide d’un cylindre. En gros je sélectionnais les disques que ma famille allait écouter pour danser.

 

 

DV : T’étais une sorte de jukebox humain en fait ?

 

J-E : Ouais exactement ! (rires)

 

 

DV : Quand est-ce que le fait de mixer est passé d’un hobby à un métier pour toi ?

 

J-E : En 1981.

 

 

DV : Comment ce changement s’est il produit ?

 

J-E : Disons que c’était une période trouble dans ma vie et je me suis servis de la musique pour m’échapper. La musique m’a toujours permis de supporter les aléas du monde réel. J’ai rencontré le DJ d’un club qui m’a enseigné comment caler le tempo de deux vinyles. Il m’a appris à compter les BPM en chronométrant avec une montre. Après m’être entrainé suffisamment avec lui j’ai fait l’ouverture du club.

 

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DV : Tu peux nous en dire plus sur cette technique de chronométrage avec une montre ?

 

J-E : En gros tu commences sur le temps grave. Tu comptes ça comme un et à partir de là tu te sers de ta montre pour compter jusqu’à trente secondes puis tu doubles le nombre de beat pour obtenir ton BPM. Aujourd’hui tout le monde a des gadgets pour compter. Mais pour moi c’est comme ça que tout a commencé.

 

 

DV : Du coup, tu utilises toujours ta montre?

 

J-E : Non je ne le fais plus. Je peux sentir immédiatement à quelle vitesse évolue le morceau car ça fait très longtemps que je joue. Mais par exemple sur la table de mix Pioneer il y a un compteur de BPM. Il y a même des applications pour téléphones qui le font.

 

Quand tu produis tu as aussi besoin de savoir compter les BPM. Les anciens se servaient d’un métronome, une petite machine qui se balance de gauche à droite grâce à un poids, comme pour les joueurs de piano. C’est comme cela qu’on mesurait le tempo.

 

 

DV : Passons à un autre sujet, est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur les origines de ton label Underground Quality?

 

J-E : Underground Quality était à l’origine une marque de soirée vers la fin des années 90. J’ai rencontré un mec de Détroit en 2000 qui a dessiné le logo « UQ » et avec qui je me suis associé sur la station 98.7 Kiss FM. En 2001, il s’est retiré du projet et j’ai repris la marque pour en faire un label, qui existe maintenant depuis près de quinze ans.

 

 

DV : Parmi tes différents métiers (DJ, producteur, label manager), qu’est-ce que tu préfères?

 

J-E : J’aime Jouer ! Mais mon réel don est de repérer les talents. Donc dans l’ordre de préférence ça ferait, un jouer, deux repérer des talents et trois la production.

 

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DV : Il semblerait que tu aies repéré Nina Kraviz avant qu’elle soit connue. Comment as tu pu repérer et même entendre parler d’une artiste inconnue de Russie ?

 

J-E : Oui ! En fait je l’ai croisé pour la première fois sur Myspace. Mais c’est une histoire étonnante par ce que j’ai rencontré le russe AntonZap en premier. Et j’ai tout de suite été époustouflé par le fait qu’ils produisaient de la house en Russie. Et ensuite Nina est arrivée, je l’ai rencontré sur ce réseau. La suite de l’histoire vous la connaissez…

 

 

DV : Lorsque qu’on effectue des recherches sur Underground Quality, le terme “Jersey house” est très présent. Pour les français ce n’est pas vraiment une identité sonore aussi familière que celle de Détroit ou Chicago. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ce type de musique?

 

J-E : La Jersey house regroupe essentiellement les morceaux que l’on pouvait entendre dans le New Jersey quand je vivais là bas. C’est là bas que j’ai connu mes premiers clubs. C’était une musique très vocale et spirituelle. Parfois même un peu gospel. Beaucoup de ces morceaux parlaient d’être élevé spirituellement, de dieu et d’avoir la foi. Mais il faut dire que beaucoup de ce qu’on écoutait à la radio dans ces temps venait de Phili (Philadelphia). Donc pour moi c’est vraiment de là que vient le son de Jersey en fait. En tout cas c’est de là que j’ai pu apprécier ce type de musique. Je n’ai jamais entendu de musique de Détroit avant que je devienne un DJ pro en 2001. C’est Omar-s Qui m’a fait connaître les sonorités de cette ville.

 

 

DV : Et est-ce que tu aurais des morceaux typiques Jersey House à nous faire écouter ?

 

J-E : Bon c’est vraiment ma perception donc c’est peut être pas vraiment techniquement à 100% de la musique de New Jersey, mais cette question me fais immédiatement penser au groupe MFB Orchestra ou au morceau « I’ll be your Friend »

 

 

Je suis vraiment nul pour me souvenir des noms. Mais en fait j’ai jamais vraiment connu les noms des morceaux des artistes ou des labels, j’étais juste un gars qui aimait écouter ce genre de musique et qui venait de New York.

 

Quand j’ai commencé à aller aux soirées “shelter” à New York, j’ai pu écouter Kenny Bobien et Byron Stingily, mais je ne pourrais pas dire exactement si ces mecs sont qualifiés de Jersey house. Mais pour moi comme j’écoutais leur musique à l’époque où je vivais dans le New Jersey, c’est à eux que je pense quand je parle de Jersey House.

 

 

DV : Et maintenant une autre question pas vraiment liée. Tu es venu jouer pour notre anniversaire à Paris il y a quelques semaines. La fête était très sauvage. Quel est ton ressenti quant à cet événement ? Aimes- tu jouer à Paris en général ?

 

J-E : Ah j’adore ! J’adore !

J’adore parce que c’est comme jouer à la maison. Les gens sont très expressifs. Je ne peux pas vraiment désigner un moment en particulier sur cette soirée, mais pour moi c’était un grand classique ! C’était vraiment bien et très satisfaisant en tant que DJ.

 

 

DV : Pour finir, nous avons une dernière question qu’on pose toujours à la fin des interviews. Notre blog s’appel Dure Vie, ce qui veut dire en anglais « Hard Life ». Notre signature est « la vie est dure, on vous l’adoucit ». Qu’est-ce qui rend la vie plus douce pour toi ?

 

J-E : Ça pourrait être une longue discussion, mais si je devais généraliser je dirais de la musique, de la bouffe et un environnement positif. D’ailleurs, pendant la soirée au Djoon, à un moment j’ai crié dans le microphone sur un mec qui était gênant et désagréable près du DJ booth. Donc j’ai baissé le son, pris mon micro et dis « no fighting », car si tu fais chier les gens et que tu n’as pas envie d’être là, juste va-t’en. Ça sert à rien de rester. Et là, le public est devenu dingue. D’ailleurs j’ai l’enregistrement de mon set et on peut entendre ce moment c’est assez cool.

 

 

DV : Ah cool on va pouvoir faire écouter ça à nos lecteurs alors !

 

J-E : Oui ! D’ailleurs je reviens à Paris à la fin du mois de mars pour jouer avec Tom Trago au Virgo pour une soirée organisée par Sonotown.

Interview réalisée par Sanche

English version available on Hard Life at the following url : http://hardlife.london/interview-jus-ed/